Altitude élevée, climat rude, pentes abruptes... Les montagnards ont dû très vite apprivoiser et exploiter un environnement naturel riche d'une flore exceptionnelle en s'organisant pour que l'agriculture et l'élevage soient liés. C'est la naissance du système agropastoral dès le Moyen Âge. Les moines et les communautés villageoises ont entrepris de défricher des surfaces d'alpages pour accueillir les troupeaux laitiers. Le lait était transformé en "vachelin", fromage de petite taille (10 kg) qui ne se conservait pas jusqu'à la fin de l'hiver.
Au XVIIe siècle, la vallée du Beaufortain produit des fromages de plus grosse taille (40 kg) de type gruyère sous le nom de "grovire" présentant de bonnes aptitudes de conservation et de transport. Très vite la fabrication de grovire s'étend aux vallées voisines de Tarentaise et de Maurienne. Sa qualité crée une notoriété hors de ses montagnes natales et durant la Révolution française, le comité de salut public en fait venir 10 000 quintaux pour nourrir Paris.
En 1865, ce grovire est appelé Beaufort. L'origine du talon concave de la meule aurait deux explications: faciliter le transport des fromages à dos de mulet et éviter au fromage de s'affaisser lors de l'affinage. Cette production basée sur une conduite de la culture de l'herbe astucieuse et un savoir-faire précis à apporter une relative aisance aux populations montagnardes du 17ème siècle jusqu'à 1945.
Face aux bouleversements de l'après-guerre, l'existence du Beaufort est menacée. La main d'œuvre se fait rare et chère, les alpages sont désertés au profit de la ville. L'avenir de l'agriculture de montagne devient incertain, la production de Beaufort périclite à moins de 500 tonnes au début des années 60. C'est alors que quelques agriculteurs, dont Maxime Viallet qui aura pendant 20 ans un rôle moteur, réfléchissent à une nouvelle organisation. Le Beaufort doit par sa qualité justifier d'un prix élevé permettant de supporter les surcoûts de l'agriculture en haute-montagne.
La première coopérative laitière est créée en 1961. En assurant tout au long de l'année la fabrication, l'affinage et la commercialisation, elle s'avère être la structure clé de la renaissance du Beaufort. Commence ainsi sous l'impulsion de l'Union des Producteurs de Beaufort la mise en place d'une politique de filière. Elle crée le service technique qui collabore avec différents organismes de recherches (INRA, ITFF) et aboutit aux démarches de reconnaissance du fromage en AOP en 1968.
En parallèle, la pénibilité des tâches est diminuée par le développement de la traite mécanique en alpage et la mécanisation partielle des travaux de fenaison. Cette politique, associée à la politique agricole nationale de la montagne, a permis à l'agriculture de subsister et à la production de Beaufort d'atteindre près de 5 025 tonnes soit 126 000 meules en 2013.
Aujourd'hui encore, l'organisation de la filière est entre les mains des éleveurs, sur leur exploitation, dans les coopératives et dans les structures professionnelles collectives du Beaufort (UPB et Syndicat).